L’IA en soutien à l’évaluation
Avec tout ce qui s’est écrit sur l’intelligence artificielle (IA), nous voulions vous présenter deux exemples où l’IA est mise à contribution pour soutenir différents contextes d’apprentissage et d’évaluation.
Création d’études de cas
Julien Le Van, professeur adjoint de clinique à la Faculté de pharmacie, enseigne dans le programme intensif de qualification en pharmacie (destiné aux pharmaciens hors Québec) ainsi qu’au programme de premier cycle Pharm. D.
Il souhaitait offrir aux étudiants et étudiantes plusieurs exemples d’études de cas les plus représentatifs possibles de la réalité clinique, tout en étant préparatoires aux évaluations. Cependant, on reconnaît que leur création demeure un travail exigeant et complexe. C’est pourquoi, lors de l’examen, l’étude de cas devenait alors la première situation où un étudiant ou une étudiante mobilisait véritablement la théorie et les quelques exemples vus en classe. Fort intéressé par les possibilités de l’intelligence artificielle, Julien Le Van a donc décidé de mettre à profit ChatGPT en personnalisant un transformateur génératif préentraîné (GPT ou Generative Pre-trained Transformer en anglais) avec une série d’instructions, fonction actuellement accessible seulement avec la version payante, pour créer de multiples cas, et ce, inspirés par les études de cas interactifs disponibles sur le site Internet du New England Journal of Medicine.
Certes, l’exercice a nécessité plusieurs essais et erreurs de sa part afin de fournir les instructions pertinentes pour la création d’exemples adaptés au niveau de connaissances des étudiants et étudiantes (par exemple, créer des cas avec des médicaments et des pathologies déjà vus en classe). Il fallait également fournir des précisions sur le type d’information que le GPT devrait générer sur les habitudes de vie, les allergies, les intolérances, les signes vitaux et les problèmes de santé des « patients potentiels ». Il a aussi inclus dans les requêtes une liste avec des informations pertinentes afin d’améliorer le contexte des cas générés par le GPT personnalisé (comme les lignes directrices sur la prise en charge d’une pathologie). Afin de rendre ces situations cliniques encore plus crédibles, il a eu recours à Dall-E pour générer une « photo » de la personne. Ainsi, les étudiants et étudiantes pouvaient parler entre eux du cas du cuisinier d’origine asiatique ou du comptable de 52 ans.
Pour Julien Le Van, l’importance de la précision des instructions données est cruciale. Il en compte une douzaine pour chaque GPT qu’il personnalise (un GPT par pathologie pour mieux adapter le contexte). ChatGPT réalise environ 75 % du travail en créant des cas cliniques adaptés aux requêtes écrites. Voici un exemple de requêtes demandées à un GPT personnalisé comme créateur de cas clinique en hypertension pour les étudiants et étudiantes en pharmacie. Un exemple de requête pourrait être de demander à un GPT personnalisé comme créateur de cas clinique en hypertension de créer un cas d’hypertension chez un patient diabétique pour un public universitaire de premier cycle en pharmacie Il est même possible de générer par l’IA des questions sur chaque cas, cependant, Julien Le Van se charge de les adapter ou d’en ajouter afin d’inclure des concepts théoriques différents avec chaque cas clinique. Il veille ainsi aux ajustements nécessaires sur chaque exemple généré pour en assurer la crédibilité.
Tous ces cas sont intégrés sur StudiUM dans un contexte d’autoapprentissage, sans obligation, et le corrigé de chacun est disponible la semaine suivante. Par souci de transparence, les étudiants et étudiantes sont informés que ces études de cas ont été créées à partir de l’intelligence artificielle. Quoi qu’il en soit, l’objectif de mieux préparer les étudiants et les étudiantes à la pratique professionnelle et aux examens par l’accès à de nombreux cas est donc atteint.
À ce jour, il a présenté son travail aux collègues de sa faculté et a partagé les instructions soumises à ChatGPT. Très optimiste au regard des possibilités offertes, il poursuit son exploration en assistant notamment à des conférences sur la manière d’utiliser l’intelligence artificielle en enseignement. À son grand plaisir, il redevient à son tour étudiant et découvre un outil plein de potentiel pour l’enseignement et l’évaluation !
Des outils pour soutenir la formation continue en médecine
Vincent Jobin, professeur agrégé de clinique et directeur à la Direction du développement professionnel continu à la Faculté de médecine, fait appel à l’intelligence artificielle dans le cadre des activités de formation offertes aux cliniciens et cliniciennes en exercice. Ultimement, l’objectif de ces formations vise à améliorer la santé des populations.
Certes, l’évaluation de ces activités se démarque d’un contexte de formation au premier cycle, car elle n’est pas notée. Toutefois, considérant l’importance des retombées attendues, Vincent Jobin parle avec enthousiasme du recours à l’intelligence artificielle mise à contribution.
L’IA devient une aide pour les conférenciers et conférencières afin d’établir le niveau des connaissances des personnes participantes avant et après une présentation. Puisque la préparation de multiples questionnaires peut être une tâche lourde, l’utilisation de l’intelligence artificielle permet, dans ce contexte, d’en générer à partir des présentations (de type PowerPoint) qu’on lui fournit. D’ailleurs avec l’aide de Dr Paul Lespérance du Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine, une aide à la tâche pour produire des questionnaires est en cours de réalisation avec l’outil Perplexity.ai.
Un autre apport intéressant de l’IA permet la compilation des commentaires de centaines de participants et participantes après une formation donnée. Outre les données quantitatives de satisfaction recueillies, le traitement « manuel » des données qualitatives s’est toujours avéré colossal et laborieux. Ici encore, ChatGPT devient alors un allié précieux. Tout en veillant à anonymiser le contenu de l’information transmise, il est possible de créer des requêtes en veillant à leur clarté. Par exemple, on peut demander à ChatGPT d’identifier des améliorations cliniques que les personnes participantes souhaitent mettre en pratique à la suite de la formation. Vincent Jobin insiste, l’anonymat des informations soumises demeure crucial. Cette synthèse des commentaires remise au comité scientifique s’avère aussi un matériel précieux pour la planification de nouvelles formations.
D’autres utilisations de l’intelligence artificielle sont en cours d’exploration dont une sur le soutien à l’intention de changements dans la pratique après une formation. À ce jour, une méthode utilisée était la suivante : le participant ou la participante inscrivait sur une carte postale (en format papier) une intention de changement concret et trois mois plus tard, les personnes à l’organisation la lui retournaient par la poste à titre de rappel. Vincent Jobin souhaite mettre à contribution l’intelligence artificielle pour répliquer de manière virtuelle cette démarche très formatrice en y ajoutant les intentions de changements manifestés par les autres participants et participantes.
Jusqu’à maintenant, ces utilisations de l’IA par l’équipe de direction de la formation continue ont fait l’objet de présentations au comité central de l’enseignement à la Faculté de médecine. L’intérêt de Vincent Jobin pour l’IA en enseignement ne se tarit donc pas et il participe régulièrement à des ateliers et conférences sur le sujet afin de découvrir d’autres pratiques en enseignement et en évaluation.
Crédits photo
- Bureau des communications et des relations publiques (BCRP) de l’Université de Montréal
- Faculté de médecine de l’Université de Montréal