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Grandes classes et pédagogie universitaire : que nous apprend la recherche ? Par Bruno Poellhuber

Portrait de Bruno Poellhuber

Les grandes classes ou très grandes classes font partie de notre paysage éducatif à l’Université de Montréal, comme dans de nombreuses universités. Elles permettent, entre autres, de s’assurer que les grandes cohortes étudiantes ont des acquis similaires.

Cependant, la recherche et notre expérience quotidienne révèlent des défis posés par le rôle passif imposé aux personnes étudiantes, notamment sur le plan de la motivation et de l’engagement, des obstacles aux questions et aux interactions, ainsi que de l’anonymat qui en résulte. Pour le corps professoral, elles posent aussi des défis de gestion de la classe, de la participation et des interactions avec les étudiants et étudiantes (Norton et LoCastro, 2001). Ceux-ci et celles-ci tendent à évaluer moins favorablement l’efficacité pédagogique du personnel enseignant œuvrant en grands groupes (Bedard et Kuhn, 2008).

Pourtant, des solutions simples existent. Il est possible de relever les défis posés par les grandes classes grâce à l’incorporation de pédagogies actives et du numérique. Le fait de miser sur des méthodes d’enseignement plus actives et centrées sur la population étudiante peut atténuer certains des effets négatifs mentionnés et avoir des effets positifs sur leur engagement et leur réussite. Une méta-analyse de Freeman et coll. (2014) démontre l’avantage de l’apprentissage actif dans le domaine de l’enseignement des sciences et des mathématiques, où l’enseignement magistral prédomine habituellement.

Mais comment miser sur les pédagogies actives dans un amphithéâtre? Mazur, un éminent professeur de physique de Harvard, a justement développé pour ce contexte précis le peer instruction (1997), une méthode fondée sur l’utilisation de télévoteurs (ou de téléphones intelligents avec des applications telles que Wooclap ou Vote dans StudiUM). Il s’agit en gros de poser une question à la classe, puis, pendant deux ou trois minutes, en équipe de deux, les étudiants et étudiantes doivent essayer de convaincre l’autre de la justesse de leur point de vue et enfin de reposer la même question à tous et toutes. En général, les résultats s’améliorent significativement, puisque la matière qui a les explications les plus convaincantes est mieux comprise (Crouch et Mazur, 2001).

L’introduction de scripts d’apprentissage actif est aussi une voie assez accessible pour amener des moments d’interaction significative et pour dynamiser des exposés magistraux. Un script est un genre de scénario pour une activité d’apprentissage actif, sur lequel on greffe un contenu. Ces activités sont souvent courtes et peu risquées. Par exemple, le think-pair-share implique de réfléchir individuellement à une question ou à une définition et d’y répondre. À l’étape suivante, on regroupe la classe en paires et chaque équipe doit faire consensus sur la réponse ou la définition. La dernière étape implique le partage de quelques réponses en plénière. De nombreuses autres activités existent et les formations du CPU sur l’apprentissage actif peuvent vous aider à les découvrir.

Plusieurs études établissent un lien entre les interactions entre le corps étudiant et enseignant au regard de la réussite, soulignant leur importance (Endo et Harpel, 1981). Si des périodes de questions bien structurées peuvent être utiles, il est aussi possible de créer des moments d’interaction durant le cours, ainsi qu’avant ou après. C’est également le cas à distance grâce à des outils numériques de communication.

Or, les outils numériques, tels que ceux présents sur StudiUM, offrent de nombreuses possibilités de pallier les défis dus au manque d’interaction. L’intégration du numérique dans des classes de grandes tailles peut permettre de meilleures interactions entre les personnes enseignantes et étudiantes et ainsi de mieux les engager. L’exploitation des fonctions de communication (forums de discussion, clavardage, messagerie) dans l’environnement numérique StudiUM peut générer davantage d’interactions. Le fait de configurer des sous-groupes à l’intérieur d’une classe peut amener les étudiants et étudiantes à sentir qu’ils font partie d’une classe plus petite (Hommes et coll., 2014).

La classe inversée semble aussi une voie prometteuse à explorer. Il s’agit en gros d’enregistrer en mode vidéo de courtes présentations portant sur les aspects théoriques du cours. Les étudiants et étudiantes peuvent ainsi voir et revoir à leur guise et à leur rythme les présentations. Ceci libère du temps de classe pour mieux encadrer des tâches d’application de la théorie et pour réaliser des activités fondées sur des méthodes d’enseignement plus actives (études de cas, apprentissage coopératif, approche par projet).

La recherche montre aussi que la formation et l’accompagnement du personnel enseignant sont deux stratégies importantes sur lesquelles doivent miser les universités. C’est la mission du CPU que de le faire à l’Université de Montréal ainsi que d’aider le corps professoral à intégrer les pédagogies actives et le numérique dans les grandes classes.

Références

Bedard, K. et Kuhn, P. (2008). Where class size really matters: Class size and student ratings of instructor effectiveness. Economics of Education Review, 27, 253-265.

Crouch, C. H. et Mazur, E. (2001). Peer instruction: Ten years of experience and results. American journal of physics, 69(9), 970-977.

Endo, J. et Harpel, R. (1981). The effect of student-faculty interaction on students’ educational outcomes. Research in Higher Education, 16, 115-138. https://doi.org/10.1007/BF00973505.

Freeman, S., Eddy, S. L., McDonough, M., Smith, M. K., Okoroafor, N., Jordt, H. et Wenderoth, M. P. (2014). Active learning increases student performance in science, engineering, and mathematics. Proceedings of the National Academy of Sciences, 111(23), 8410-8415. https://doi.org/10.1073/pnas.1319030111.

Hommes, J., Arah, O. A., Grave, W. de, Schuwirth, L. W. T., Scherpbier, A. J. J. A. et Bos, G. M. J. (2014). Medical Students Perceive Better Group Learning Processes when Large Classes Are Made to Seem Small. PLOS ONE, 9(4), e93328. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0093328.

Locastro, V. (2001). Large classes and student learning. TESOL quarterly, 35(3), 493-496.

Lund Dean, K. et Wright, S. (2017). Embedding engaged learning in high enrollment lecture-based classes. Higher Education, 74(4), 651 668. https://doi.org/10.1007/s10734-016-0070-4.

Mazur, E. et Hilborn, R. C. (1997). Peer instruction: A User’s Manual. Physics Today, 50(4), 68-69. https://doi.org/10.1063/1.881735.

Poellhuber, B., Roy, N. et coll. (2020). La classe inversée : une recherche-action-formation pour développer une approche ayant un impact sur l’engagement, la motivation et la réussite. Fonds de recherche Société et culture Québec. https://eduq.info/xmlui/handle/11515/38510.

 

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