Témoignages croisés sur l’intégration de l’IAg en enseignement supérieur
Quelle est la place de l’intelligence artificielle générative (IAg)1 en enseignement supérieur? Des membres de la communauté universitaire ont accepté de partager l’expérience de leur parcours d’appropriation depuis la sortie de cet outil à la fin de 2022.
Faustine André
Faustine André, conseillère à la Faculté de médecine, agit à titre de responsable de l’intégrité dans sa faculté. En raison de sa fonction, elle a rapidement été interpellée dès la sortie de ChatGPT à la fin de 2022 et a voulu mieux comprendre cet univers. Déterminée à apprivoiser cet outil, elle s’est donc engagée à démêler les innombrables théories, à consulter des articles et autres textes d’opinion pour en comprendre le fonctionnement, les possibilités, les limites et, surtout, les impacts. Pour ce faire, elle a suivi plusieurs formations en ligne et s’est jointe à la communauté de pratique Intelligence artificielle et pédagogie du CPU ainsi qu’à d’autres communautés à l’externe.
Alors qu’elle poursuivait un programme de maîtrise, le sujet de son mémoire s’est imposé de lui-même : Pourquoi et comment favoriser l’intégrité académique à l’ère de l’avènement des outils d’IA? À l’appui de ses connaissances et de son observation attentive des étudiants et étudiantes qu’elle côtoie, Faustine André demeure convaincue que la littératie numérique, en particulier sur l’IAg, devrait faire partie intégrante de la formation.
Simon Blais Longtin
Au sein de notre établissement, les bibliothécaires jouent un rôle important pour une utilisation des données. L’arrivée de l’IAg s’est ajoutée à la donne. Simon Blais Longtin, bibliothécaire à la Faculté de droit, a donc intégré l’utilisation et les enjeux de l’IAg dans ses interventions auprès des étudiants et étudiantes, tant au premier cycle qu’à la maîtrise. À titre d’exemple, dans les séminaires auxquels des professeurs et professeures le convient, il aborde divers aspects, soit les possibilités offertes par l’IAg ainsi que l’utilisation éthique des données, en prenant soin de mentionner l’existence de la politique de l’Université sur l’IAg et le plagiat. Il insiste aussi sur l’importance de vérifier et de contre-vérifier l’information générée par l’IAg. Selon son expérience, les étudiants et étudiantes n’ont souvent aucune idée du fonctionnement de l’IAg. Comment cet outil traite-t-il les demandes, c’est-à-dire à partir de quels mécanismes et sources d’information génère-t-il un résultat? Rien ne garantit la véracité du contenu. En parallèle, à titre de responsable du dossier sur l’IAg à la Direction des bibliothèques, Simon Blais Longtin a piloté la création d’un guide étoffé sur le sujet intitulé Intelligence artificielle générative. Il agit aussi en tant que personne-ressource auprès de ses collègues bibliothécaires.
Giulia Dal Co
Chargée de cours à la Faculté de l’apprentissage continu et avocate de formation, Giulia Dal Co donne un cours sur le développement des habiletés de juriste à des personnes adultes inscrites au certificat en droit. Très rapidement, une connaissance des bases de l’IAg s’avérait essentielle et son appropriation s’est effectuée de manière autonome. Au début de la session, elle a réalisé une première activité de sensibilisation sur l’IAg, en se tournant vers… ChatGPT. Les étudiantes et étudiants, divisés en petits groupes, devaient interagir avec ChatGPT à partir de questions élaborées par elle et présenter ensuite un retour en classe. Parmi celles-ci figurait un article du Code civil du Québec sur la responsabilité stricte du propriétaire d’un animal. Au lieu d’expliquer que le terme « stricte » signifie que le propriétaire ne peut pas s’excuser en invoquant, par exemple, qu’il avait bien élevé son chien, ChatGPT a dévié vers le Code civil français, évoquant des sujets sans rapport avec la question comme les donations entre époux ou la discipline testamentaire, ce qui a suscité beaucoup d’amusement. Mais rapidement, Giulia Dal Co s’est rendu compte que le niveau des réponses fournies par ChatGPT en droit québécois s’améliorait considérablement, en devenant plus précis, et plus inquiétant, au point qu’il a fallu mettre fin aux exercices de recherche en direct. Dans le cadre d’une autre activité, elle a invité ses étudiants et étudiantes à réaliser une analyse critique d’une synthèse de texte juridique générée par l’IAg en comparaison avec le texte original. L’objectif visait à les sensibiliser aux erreurs et omissions possibles dans le document produit, mais aussi à reconnaître les éléments exacts. À cette étape, elle s’interroge toutefois sur la manière de faire des évaluations en ligne considérant les risques de plagiat en raison de la présence de l’IAg.
Robert David
Robert David, professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation, s’intéresse depuis longtemps aux technologies. À titre de responsable d’un cours traitant de la formation à l’usage des ressources numériques, il a développé plusieurs activités sur l’utilisation de l’IAg. À titre d’exemple, ses étudiantes et étudiants, regroupés par deux, doivent utiliser en parallèle ChatGPT et un moteur de recherche traditionnel pour la planification d’une activité pédagogique à réaliser avec des élèves. Après une heure de travail, ils observent alors la qualité du matériel produit sur le plan des apprentissages proposés en lien avec les objectifs. En général, les résultats obtenus avec l’IAg s’avèrent plus élaborés et féconds. De plus, Robert David s’intéresse aux démarches cognitives mobilisées par ses étudiantes et étudiants lors de leurs requêtes. Quelles questions et précisions ont été fournies successivement à l’IAg? Pour obtenir des réponses ou résultats satisfaisants, la pertinence des informations fournies à cet outil s’avère incontournable! Robert David accorde beaucoup d’importance à ce type de rétroaction formative.
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Josée Paradis
À l’École de psychoéducation de la Faculté des arts et des sciences, la coordonnatrice des stages à la maîtrise, Josée Paradis, reconnaît que l’IAg s’est avérée un terrain d’exploration et d’utilisation riche et diversifié. C’est en consultant les nombreuses capsules accessibles sur YouTube qu’elle a appris à maîtriser l’outil. Parmi les nombreux usages dont elle est particulièrement fière, elle signale le contexte de la refonte des outils rendue nécessaire avec l’arrivée d’une approche par compétences, notamment la production de nouvelles grilles d’évaluation. À ce jour, un tel exercice s’avérait une démarche longue et laborieuse. En parallèle, afin de faciliter le travail des superviseurs et superviseures de stage, la coordonnatrice des stages a élaboré une grille pour la rédaction des rapports qui intègre tous les aspects à considérer. Ainsi, à partir des informations fournies sur chaque étudiant et étudiante, l’IAg génèrera un rapport et signalera les données manquantes. Josée Paradis prend soin de préciser qu’elle révise tous les rapports. La très grande majorité des personnes superviseures ont adhéré à cette nouvelle proposition.
Karine Rolland
Karine Rolland, conseillère en formation au Centre d’Expertise en Simulation en Santé (Centre EXeSS) à la Faculté des sciences infirmières, se distingue par sa forte affinité avec les technologies. Curieuse des possibilités offertes par l’IAg dès son apparition, elle a choisi de s’engager dans un apprentissage formel afin d’enrichir sa pratique pédagogique.
Elle a ainsi suivi le MOOC [UdeM] : Introduction à l’éthique de l’IA, a participé à l’ensemble des formations offertes par le CPU en lien avec l’IA et poursuit actuellement sa formation dans le cadre du certificat en intelligence artificielle au travail : utilisation responsable, à la Faculté de l’apprentissage continu de l’UdeM.
Selon elle, l’IAg représente un véritable partenaire créatif, notamment pour la génération de scénarios de simulation ou la production de documents d’accompagnement pédagogique. Récemment, elle a amorcé une démarche plus complexe en concevant un avatar conversationnel simulant une entrevue entre une personne infirmière et une patiente.
En parallèle, Karine Rolland joue aussi un rôle actif de sensibilisation sur l’IAg auprès du personnel enseignant de sa faculté.
Joëlle Varin
Joëlle Varin, orthopédagogue aux Services à la vie étudiante, n’a eu d’autre choix que de plonger dans le monde de l’IAg, car les étudiants et étudiantes qu’elle rencontrait l’utilisaient déjà, mais sans en parler ouvertement. Ses interventions visent à développer les compétences transversales des étudiantes et étudiants en difficulté, par exemple, au regard de la gestion de leur temps, de la prise de notes, de la synthèse de lecture ou de la rédaction. Ainsi, avec une meilleure connaissance de l’IAg, elle se sent plus à l’aise d’en discuter avec eux et d’en valoriser une utilisation constructive. Parmi les activités qu’elle propose, on retrouve la planification d’un horaire d’étude en fin de session. La personne étudiante fournit à l’IAg toutes les tâches à accomplir, leur niveau de difficulté respectif ainsi que les différentes échéances. Selon Joëlle Varin, l’IAg devient une aide incontestable pour l’étude. L’ignorer lors de ses rencontres n’est donc plus une option. Elle poursuit sa réflexion en participant à la communauté de pratique Intelligence artificielle et pédagogie du CPU ainsi qu’à une autre communauté composée d’orthopédagogues de l’Université de Montréal et de divers établissements d’enseignement supérieur.
1 C’est-à-dire une composante de l’intelligence artificielle qui permet notamment la génération de texte, par exemple, ChatGPT ou Copilot.
Le CPU remercie très chaleureusement le personnel qui a accepté de partager son expérience pour la rédaction de cet article.
Crédits photo
- Faculté de médecine de l'Université de Montréal
- Stéphanie Pham-Dang
- Giulia Dal Co
- Robert David
- Akhlasse Hamdan
- Mona Ziadi
- Karine Proulx Photographie