Place de l’IAg dans les cours L’importance de la littératie auprès de la communauté étudiante et du personnel enseignant
Dans l’article « Témoignages croisés sur l’intégration de l’IAg en enseignement supérieur », sept membres de la communauté de l’UdeM ont accepté de partager l’expérience de leur appropriation et de leur utilisation de l’IAg, que ce soit pour leur travail ou pour des interventions pédagogiques auprès des étudiants et étudiantes.
Cet article complète le précédent, en mettant en relief leurs observations, leurs préoccupations et leur vision sur la place de l’IAg en enseignement supérieur depuis son arrivée à la fin de 2022. Bien que chaque échange se soit déroulé sur une base individuelle, une grande convergence se dégage de leurs propos respectifs.
Cliquez sur une photo pour découvrir chaque parcours.
L’importance de la place de l’IAg en classe
D’emblée, un constat général se dégage chez tous nos interlocuteurs et interlocutrices. En 2025, l’intelligence artificielle générative (IAg), c’est-à-dire cet outil qui génère notamment du texte, devrait avoir une place en classe. On ne peut plus ignorer sa présence, d’autant plus que bon nombre d’étudiants et étudiantes utilisent déjà cet outil, que ce soit à l’aide de ChatGPT ou de Copilot.
À ce sujet, Simon Blais Longtin, bibliothécaire, responsable du dossier sur l’IAg aux Bibliothèques de l’UdeM, souligne l’importance d’accroître la littératie sur l’IAg, car les étudiants et étudiantes n’en comprennent pas les mécanismes, c’est-à-dire les paramètres ou les règles qui permettent la génération des réponses à leur requête. Par conséquent, le danger réside dans la croyance que l’information qui leur est fournie s’avère exacte ou véridique. En ce sens, Josée Paradis, coordonnatrice des stages à l’École de psychoéducation, insiste sur l’importance d’encourager les étudiants et étudiantes à douter des contenus que peut leur fournir l’IAg. Néanmoins, il est clair que l’interdiction complète de l’IAg dans la formation n’est pas la solution, comme le fait remarquer Faustine André, conseillère et responsable de l’intégrité académique à la Faculté de médecine. L’enseignement doit impérativement s’adapter à cette nouvelle réalité.
L’importance d’intégrer la littératie sur l’IAg dans les cours se justifie aussi par la présence de l’IAg dans les milieux de stages et de travail. Les étudiantes et étudiants seront-ils bien préparés à cette réalité? C’est la question que se pose notamment Giulia Dal Co, chargée de cours à la Faculté de l’apprentissage continu.
L’absence de formation en littératie créera nécessairement un écart important entre les personnes étudiantes confiantes dans l’utilisation d’un outil et les néophytes maîtrisant moins bien les outils technologiques en général ou effectuant un retour aux études, de l’avis de Joëlle Varin, orthopédagogue aux Services à la vie étudiante. En ce sens, il faut envisager cet enseignement dans un rôle « d’accompagnement » des étudiants et étudiantes, selon Josée Paradis. Il faut faire en sorte que les connaissances sur l’IAg soient perçues comme de nouvelles compétences, croit Faustine André.
Pour Giulia Dal Co et Joëlle Varin, l’arrivée de l’IAg requiert nécessairement une réflexion sur les stratégies d’apprentissage et les modalités d’évaluation. Le corps enseignant, tout comme la communauté étudiante, devra repenser ses façons de faire pour assurer le maintien de l’effort cognitif, du développement des connaissances et des compétences. Il serait malheureux et dommageable de glisser dans la dangereuse pente de la « paresse intellectuelle » et du plagiat.
La littératie de l’IAg auprès du personnel enseignant : un pas à la fois
Si l’importance d’accroître la littératie sur l’IAg chez les étudiantes et étudiants ne fait pas de doute pour les personnes rencontrées, les interventions passent nécessairement par la littératie de base de l’IAg du personnel enseignant, qui doit se sentir à l’aise dans cet environnement avant d’en faire une utilisation pédagogique. Cependant, nos interlocuteurs et interlocutrices constatent un intérêt variable vis-à-vis de l’IAg en enseignement pour diverses raisons : un désintérêt, des inquiétudes, de la peur ou autres.
Selon Faustine André, des notions de base sur le fonctionnement de l’IAg permettraient de porter un regard plus éclairé sur cet outil. Cette appropriation devrait commencer par une compréhension sommaire de l’IAg. Il convient ensuite d’explorer les outils de l’IA par la pratique : expérimenter et partager les apprentissages avec ses pairs. Au minimum, il est essentiel de savoir formuler une requête efficace, c’est-à-dire une instruction claire, contextualisée et structurée permettant de générer une réponse pertinente, suggère Karine Rolland, conseillère à la Faculté des sciences infirmières. Selon les personnes interrogées, des avantages et des gains demeurent possibles du point de vue tant de l’organisation du travail que de la planification ou de la création d’activités pédagogiques.
Plusieurs approches pour favoriser une meilleure connaissance de l’IAg semblent prometteuses. D’abord, on peut s’inscrire à des formations offertes par le CPU. Toutefois, d’autres stratégies peuvent aussi constituer un déclencheur intéressant.
Robert David, professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation, propose à ses collègues de travailler à l’appréciation de cas d’usage pour informer leur propre jugement sur la pertinence de l’IAg. À titre d’exemple, la conception d’une grille d’évaluation regroupant quelques critères et, pour chacun, une description de quatre niveaux de développement demeure une tâche relativement fastidieuse. À partir des objectifs et des critères d’évaluation apparaissant dans le plan de cours, est-ce que la même tâche assistée par une IAg permet d’obtenir des descriptions ayant un niveau de précision égal ou supérieur, à « un travail à la main », et ce, dans un temps plus court?
Ou encore, pour contextualiser un concept pouvant être utilisé dans divers secteurs d'activités (par exemple, une notion mathématique), que constate-t-on en comparant une requête à ChatGPT/Copilot avec une recherche sur un moteur de recherche traditionnel ? Les exemples sont-ils alors plus nombreux, intelligibles, précis, rapidement obtenus ?
Selon Karine Rolland, la présence de personnes-ressources plus expérimentées au sein d’une unité peut aussi favoriser des échanges directs et informels en toute collégialité. Ce soutien de proximité représente un atout précieux.
Chose certaine, il ne faut pas s’épuiser à vouloir maîtriser tous les outils accessibles, selon Faustine André. Comme dans toute nouvelle situation d’apprentissage, il faut accepter de sortir de sa zone de confort et y consacrer du temps. Toutefois, les gains en efficacité et en qualité au regard des résultats obtenus peuvent s’avérer tangibles tant pour la planification pédagogique que pour la création d’activités en classe et la gestion du travail, de l’avis de Josée Paradis.
Dans un contexte où l’on veut accroître la littératie numérique chez les étudiants et étudiantes, Simon Blais Longtin et Joëlle Varin rappellent que les bibliothécaires et les Services à la vie étudiante souhaitent devenir de véritables partenaires auprès du personnel enseignant.
Certes, nos interlocuteurs et interlocutrices soulignent que l’IAg ne devrait pas se substituer à la pensée, en précisant que l’impact sur la manière d’apprendre demeure difficile à évaluer actuellement. L’IAg vient confronter les valeurs et les repères sur les modes d’apprentissage ainsi que la notion d’effort. Les jeunes ont grandi avec ChatGPT, alors que les adultes ont d’autres cadres de référence. C’est un défi, selon Giulia Dal Co.
De manière très lucide, Simon Blais Longtin, détenant aussi une formation en droit, fait le constat suivant à propos de la présence de l’IAg en enseignement supérieur :
De toute façon, il n’est plus possible de se fermer les yeux. L’IAg, c’est valable, mais il faut faire attention. Mais en même temps, on ne peut pas nager à contre-courant. Il est important de mettre des balises, d’être là, puis d’en tirer le potentiel, parce qu’il y en a. C’est un impossible retour en arrière.
Le CPU remercie très chaleureusement le personnel qui a accepté de partager son expérience pour la rédaction de cet article.
Crédits photo
- Akhlasse Hamdan
- Giulia Dal Co
- Karine Proulx Photographie
- Faculté de médecine de l’Université de Montréal
- Robert David
- Mona Ziadi
- Stéphanie Pham-Dang






